Une réforme à haut risque
Dans l'excellent film « L'exercice de l'Etat », l'acteur Olivier Gourmet incarnait un ministre des transports confronté à l'obligation de mener une réforme qu'il désapprouvait : la privatisation des gares ferroviaires. Tiraillé entre son attachement au service public et l'insoutenable pression de son entourage politique, on le voit, ainsi que son directeur de cabinet (Michel Blanc) vivre un terrible cas de conscience, sur fond d'embrasement social. Quelques jours après la remise du rapport Spinetta préconisant notamment la fin du statut des cheminots, la fermeture des petites lignes déficitaires et la filialisation du fret ferroviaire, comment ne pas penser à cette fiction aux accents quasi prémonitoires. Comment ne pas se demander si l'actuelle ministre des transports, ex collaboratrice de Lionel Jospin et ancienne directrice de cabinet de Ségolène Royal, vit cette situation, au moment même où elle s'apprête à recevoir les syndicats. Sans préjuger des décisions qui seront prises par le gouvernement dans les jours à venir, on peut imaginer l'ampleur du dilemme quand le réalisme économique met à mal la conviction idéologique. Car le fond du problème est bien là : comment endiguer l'hémorragie de cette institution ferroviaire qui aura accumulé 50 milliards de dettes à la fin de l'année ? Si les 43 propositions que contient le rapport Spinetta apportent incontestablement des éléments de réponse, elles ne règlent pas tout. A cet égard il n'est pas certain que la privatisation du fret soit le seul moyen de convaincre les chargeurs d'utiliser la voie ferrée. Par ailleurs, même si les arguments économiques sont solides et argumentés, la question du service public dépasse assez largement les clivages politiques. D'une certaine manière on peut dire qu'elle échappe à toute rationalité et relève plus de l'intime conviction que d'une réflexion très poussée sur l'avenir des transports et de l'aménagement du territoire. C'est pourquoi le sujet est éminemment sensible et soulève des réactions émotionnelles, non seulement de la part des cheminots, mais aussi d'une grande partie de la population. Dans la mise en œuvre de la réforme à venir, le gouvernement devra en tenir compte. JPG