Balance ton « port mort »
Quel gâchis sans fin que celui auquel on assiste dans les ports depuis plus d'un mois de grève contre la réforme des retraites. Alors que le gouvernement semble depuis ce week-end donner des gages quant à la modification de son projet, la Fédération Nationale des Ports et Docks (affiliée à la CGT) a lancé un appel à une opération « port mort » sur l'ensemble des terminaux portuaires pour mardi, mercredi et jeudi (comme ce fut le cas notamment les 5 , 10, 12 et 17 décembre). Au Havre, sur le terminal de Normandie, les files d'attente des camions ont pris ce matin des proportions « monstrueuses », les terminaux ont annulé leur rendez-vous des jours à venir et même gelé ceux de vendredi prochain. Il faut dire que cette grève de dockers s'ajoute aux blocages des accès aux grands ports maritimes, comme ce fut le cas vendredi dernier au Havre et à Marseille, et aux jours de grèves du personnel CGT de la société de remorqueurs Boluda France, présente dans tous les grands ports français. Le résultat cumulé de ces actions s'avère catastrophique : même lorsqu'un navire réussit à faire escale, il n'est pas certain que les marchandises puissent être déchargées ou chargées, compte tenu des retards accumulés, ni que les camions puissent avoir accès au terminal. Résultat, beaucoup de navires déposent leurs conteneurs ailleurs en Europe (Barcelone, Anvers, Rotterdam, etc), à charge pour les organisateurs de transport et les chargeurs de supporter le stress, de réorganiser l'acheminement et d'en payer les frais? Les conséquences sont graves pour les chaînes logistiques (des dizaines de M€ selon TLF Overseas), et pas seulement dans les supermarchés d'outre-mer, en partie en rupture de stocks. Cette grève massive, dont les médias parlent nettement moins que de celle des transports publics, ne sera pas sans conséquences sur l'attractivité logistique de la France et de ses ports, sujets désormais chers au gouvernement au travers de sa stratégie nationale portuaire et de son comité interministériel sur la logistique (Cilog). Le sentiment de gâchis est d'autant plus aigu. Ce qui est malheureux, c'est que contrairement aux usagers de la SNCF et de la RATP, les compagnies maritimes et les chargeurs risquent d'autant plus d'aller voir ailleurs quand la grève s'arrêtera.
Jean-Luc Rognon