N’y a-t-il pas toutes les raisons de se réjouir ? Patrick Daher et Éric Hémar ont été missionnés par le gouvernement pour déterminer rapidement pourquoi la France est moins bien classée logistiquement parlant que certains de ses voisins européens. Comment faire pour que le pays s’extirpe de sa 16e place au classement de l’indice de performance logistique de la Banque mondiale et s’envole vers le top 5 ? C’est un signe clair que le gouvernement considère l’amélioration de la compétitivité de la filière logistique comme un « enjeu majeur du développement de l’économie, de l’emploi et des territoires ». D’autant que ces deux dirigeants de sociétés de prestations logistiques, le premier orienté industrie aéronautique et comanufacturing (Daher), le second plutôt retail, e-commerce et PGC (ID Logistics), ont toutes les qualités pour faire émerger des solutions pragmatiques et transverses, en concertation avec les pouvoirs publics et les acteurs privés du secteur.
J’y mettrais cependant un bémol. C’est tellement français (d’ailleurs, s’il existait un classement mondial des jamais contents, nous arriverions cette fois largement en tête). Cela n’a rien à voir avec le casting des missionnés, bien au contraire, mais avec le fait que la mission, telle que décrite dans le communiqué interministériel, doit se concentrer avant tout sur les flux logistiques en concurrence internationale, avec une pincée de stratégie nationale portuaire, en cours d’élaboration par ailleurs. Le principal enjeu est bien de renforcer la part de valeur créée ou captée sur les circuits des chaînes logistiques. Mais quid des autres objectifs édictés en mars 2017 dans le document-cadre de la stratégie nationale France Logistique 2025, fruit d’une réflexion collective menée depuis 2014 ? Outre l’objectif de faire de la plateforme logistique France une référence mondiale, y figurait aussi la volonté d’utiliser la logistique au sens large comme un levier de performance et de transformation des politiques industrielles, ainsi que de transformation énergétique des entreprises. Tout cela aurait-il disparu avec l’eau du bain ?
Je sais qu’il n’est pas d’usage pour un gouvernement en place de se référer ouvertement aux travaux de son prédécesseur (quand bien même l’actuel président en aurait fait partie). Mais vu l’urgence, pourquoi donc réinventer la roue ? À l’époque, il était frappant de constater l’absence de hiérarchisation dans les 246 objectifs recensés dans ce fameux document-cadre. Gageons que nos deux dirigeants d’entreprise sauront mieux prioriser le plan d’actions à court et moyen terme. Rendez-vous fin mai pour la remise copie.