Dans le monde hospitalier, la supply chain et la logistique sont généralement considérées comme les parents pauvres. Si tant est qu’il existe un parent riche dans ce secteur si fortement contraint par les réalités économiques et financières, et confronté depuis longtemps à un manque chronique de moyens pour réaliser de nouveaux investissements, fussent-ils vitaux. Mais la bonne nouvelle, c’est que même si leurs finances ne sont pas au beau fixe, les hôpitaux continuent d’aller de l’avant dans leurs réflexions et leurs réalisations sur le sujet. C’est ce qui ressort de la grande enquête que nous vous proposons ce mois-ci sur la logistique hospitalière.
Selon les experts et observateurs interrogés par notre consœur Julia Fustier, il semblerait même que les réorganisations ponctuelles, sur des périmètres restreints, cèdent peu à peu la place à davantage de démarches sur le long terme, plus transversales et soutenues par des schémas directeurs logistiques. Même si le niveau de maturité des CH et des CHU reste encore très hétérogène, c’est selon moi le signe que les impératifs de traçabilité et d’optimisation de coûts vont amener les pharmaciens d’hôpitaux à professionnaliser leur logistique, voire à aller chercher des bonnes pratiques provenant d’autres secteurs.
Au-delà du manque de moyens, les réticences des pharmaciens d’hôpitaux viendraient aussi du fait qu’ils souhaitent davantage s’investir dans les services auprès des patients que dans des projets logistiques. La constitution depuis 2016 des GHT, ces groupements hospitaliers de territoire qui sont censés organiser la coopération et la coordination des hôpitaux d’un même secteur géographique, pourrait bien changer la donne, en permettant d’imaginer des moyens de rationaliser, d’harmoniser l’organisation et les processus logistiques pour l’ensemble des établissements membres d’un GHT. Des réflexions sont déjà en cours pour créer des plates-formes externes ou mutualiser différentes fonctions.
Poussons le raisonnement jusqu’à sa limite : pourquoi ne pas envisager un jour que cette activité soit prestée à un 3PL spécialisé, dont ce serait le cœur de métier ? Pour l’instant, le Top 150 des prestataires logistiques ne fourmille pas de candidats, mais le client est roi. D’autre part, il faudrait bien sûr que le monde hospitalier soit prêt à franchir le pas et maîtrise suffisamment bien sa logistique pour pouvoir l’externaliser sans risque et en réalisant des économies. C’est une autre limite de l’exercice. Par association d’idée, cette histoire de résultat difficile à calculer et de raisonnement poussé aux limites me fait vaguement penser à un théorème mathématique dont je n’ai gardé en mémoire que le nom : la règle de l’Hôpital…