Le 15 juin 1963, ouvrait le premier hypermarché en France, à Sainte-Geneviève-des-Bois. À l’époque, c’est une petite révolution. Ce concept du tout sous le même toit en libre-service, avec un vaste choix de produits alimentaires et non alimentaires fait gagner un temps fou aux consommateurs, même s’il faut pour cela parcourir plusieurs dizaines de kilomètres en Renault 4L ou Peugeot 404. Cinquante-six ans plus tard, les hypers continuent à attirer du monde, mais les temps commencent tout de même à changer. Une autre petite révolution, celle de l’e-commerce, est passée par là. Et puis, la perspective de passer une partie de son week-end à pousser un chariot en grande surface, et à faire la queue aux caisses, fait nettement moins rêver.
Les grandes enseignes n’ignorent pas les évolutions de modèles que vont devoir traverser les mondes des hypers, des supers et des magasins de proximité. Les flux non alimentaires souffrent de la concurrence de grands e-commerçants qui ont déjà mis la distribution spécialisée sous pression, et l’attrait des gigantesques assortiments de produits alimentaires des hypers s’effrite peu à peu face au côté pratique des drives, des magasins de proximité ou de la livraison à domicile (dans une moindre mesure). Au-delà de l’atout prix, mieux vaut trouver du nouveau pour attirer le chaland : de nouveaux services, des corners, des points click-and-collect, des espaces de restauration à l’intérieur même des espaces de vente, etc. Question d’attractivité… et de rentabilité au m2. C’est dans le même esprit que certaines surfaces en hypers devraient se voir transformées en espaces logistiques de préparation de commandes pour les drives ou la livraison à domicile, de retrait colis (éventuellement ouverts à des partenaires), voire de cross-dock vers les magasins de proximité.
Dès 2020, tout ceci ne sera pas sans conséquences sur la supply chain massificatrice de la grande distribution, jusque-là plutôt assimilable à une sorte de monolithe (d’où le titre de cet édito, en hommage aux célèbres romans d’Arthur C. Clarke et film de Stanley Kubrick). C’est ce que nous avons voulu vérifier dans l’enquête de ce mois-ci. Non sans peine, car ce secteur, qui multiplie les réflexions en matière d’évolution de la supply chain, est aussi l’un des plus taiseux sur le sujet. Ce qui est sûr, c’est que la recherche de rentabilité et de cash va conduire les grandes enseignes à travailler plus étroitement avec leurs fournisseurs, que ce soit pour favoriser de la livraison directe ou pour leur laisser porter les stocks jusqu’en magasin pour certaines catégories de produits (modèle pay-by-scan). Peut-être même qu’un jour, avec l’essor des produits locaux et bio, elles mettront en place avec eux des solutions de type reverse factoring. Si ce terme ne vous est pas familier, rendez-vous dans l’autre grand dossier du mois, consacré à la Supply Chain Finance !