Intelligence artificielle, machine learning, deep learning, en voilà un sujet chaud ! L’idée date de plusieurs dizaines d’années, mais il aura fallu attendre de disposer de tombereaux de données à déverser dans ces machines adaptatives, auto-apprenantes. Elles reconnaissent automatiquement des formes sur une photo ou un film, traduisent une langue sans avoir besoin de dictionnaire, nous battent à plate couture au jeu de go, ou nous font découvrir des relations insoupçonnées entre des événements à des fins d’analyse prédictive. Beaucoup s’enthousiasment, et quelques-uns s’inquiètent. Selon une récente étude de PwC, l’IA devrait rendre obsolète plus de 38 % des emplois aux États-Unis d’ici 15 ans.
Valide ou pas, cette prédiction sera de toute façon oubliée bien avant 2032. Mais face à une telle évolution, il serait dangereux de faire l’autruche. Qu’on le veuille ou non, ces algorithmes auto-apprenants se feront une place dans de nombreux métiers, sans pour autant voler systématiquement celle des humains. En médecine par exemple, même si l’IA excelle dans le diagnostic de certaines pathologies, il y aura vraisemblablement encore besoin de médecins, qui travailleront différemment. Et en supply chain, aura-t-on encore besoin de planificateurs et de prévisionnistes ou laissera-t-on l’IA aux manettes ? « Le métier d’approvisionneur est en voie de disparition, c’est certain », a déclaré Cédric Hutt, le directeur technique du cabinet Diagma lors de Supply Chain Event, tout en recommandant à son auditoire de ne surtout pas s’enflammer face aux promesses du machine learning. Le directeur supply chain doit sereinement s’y préparer en aidant ses équipes à monter en compétences en termes d’analyse et de prise de décision, et en réfléchissant à la qualité de ses données internes et à la collecte de données externes (météo, réseaux sociaux, IoT, etc.) que l’on pourrait donner à « manger » à la machine.
Mais pas plus qu’une autruche, attention, à l’inverse, à ne pas être pris pour un dindon. Car quoi qu’en disent certains éditeurs, l’intelligence artificielle, même gavée comme une oie à grand coup de big data, ne pourra pas faire des miracles en matière de prévisions de ventes, notamment sur des historiques courts ou sur des produits à très faible rotation. Les systèmes vont certes devenir de plus en plus auto-paramétrés, mais l’expertise humaine sera encore là quelque temps pour interpréter, pour arbitrer, bref, pour raisonner. Aussi « intelligente » soit-elle, l’IA peut aussi se faire berner : en introduisant dans une photo de camion de très légères distorsions de signal invisibles à l’œil nu, des chercheurs américains ont conduit un moteur de deep learning à reconnaître avec une très grande certitude les formes… d’une autruche ! Alors, c’est qui le dindon ?