C’est bien connu, nous autres consommateurs avons développé une fâcheuse tendance à la schizophrénie qui ne s’arrange pas avec le temps. Comment faire autrement, plongés que nous sommes dans un bain de publicités qui commencent par nous faire baver d’envie devant d’appétissants biscuits apéritif ou autres barres chocolatées… juste avant qu’une voix off ne nous culpabilise, en accéléré, sur les risques pour la santé de manger trop « gras, salé, sucré ». Dans un tel contexte, il n’est guère étonnant que les gens aient développé un certain goût pour un autre paradoxe, davantage en rapport avec la supply chain : côté pile, je suis sensible à l’impact environnemental des produits que j’achète et côté face, je n’ai absolument rien contre le fait de me les faire livrer chez moi, quelques heures à peine après les avoir commandés, par un coursier motorisé pas toujours très écolo.
Les Amazon, Monoprix, Carrefour, Auchan et autres Leclerc, qui rivaliseront dans une bataille sans concession sur Paris pour la livraison à domicile de produits alimentaires, paraissent eux aussi un peu schizophrènes sur les bords, puisque ce nouveau trafic dans la capitale, pas forcément exempt de gaz à effets de serre, va à l’encontre de leurs efforts en matière de logistique urbaine vertueuse. Mais après tout, le client est roi ! La SITL Europe 2018 a elle aussi frôlé la schizophrénie, avec des allées et des salles de conférences combles les deux premiers jours, où il était notamment question de transformation, de digitalisation du métier du transport et de la logistique, et des allées un peu moins passantes (mais pas désertes non plus) le jeudi pour la journée européenne du fret ferroviaire, en raison de grève dans le RER…
Pour compléter ce tableau schizo, voici ce qu’un intégrateur m’a confié, lorsque je l’ai interviewé dans le cadre de notre dossier sur la flexibilité dans l’automatisation : « Le montant global des projets d’automatisation a considérablement augmenté ces derniers temps, notamment dans la grande distribution, avec des amortissements souvent sur 10 ans. Or, les business models changent plus vite qu’avant, si bien que les entreprises savent qu’elles auront sans doute à modifier leur système avant d’avoir rentabilisé leur investissement. C’est un véritable effet ciseaux ». Pourtant, l’engouement pour les systèmes automatisés n’a jamais été aussi fort. Après tout, le délai et la performance sont rois !
Effet ciseaux ou effet schizo ?