Pendant les deux minutes que vous aurez la gentillesse de consacrer à la lecture de cet édito, deux millions de bouteilles en plastique auront été produites dans le monde. Selon toute vraisemblance, seule une petite partie de ces emballages non réutilisables sera finalement collectée et recyclée. Ce n’est qu’un exemple de l’ampleur de la tâche à réaliser, tiré de l’excellent ouvrage de Rémy Le Moigne, intitulé L’économie circulaire, stratégie pour un monde durable. Les ressources de la Terre s’épuisent : seuls 6 % des matériaux circulant dans l’économie sont aujourd’hui recyclés. Va-t-on courir le risque insensé d’une rupture de stock planétaire sur de nombreux matériaux à plus ou moins court terme ou prendra-t-on le taureau par les cornes en abandonnant l’impasse de l’économie linéaire du extraire-fabriquer-utiliser-jeter ?
Le temps presse, mais comment s’y prendre ? Lors de son intervention à la dernière réunion de l’Agora du supply chain management, le député « écolo-logistique » François-Michel Lambert a rappelé que les pouvoirs publics disposaient de quatre leviers pour accompagner cette nécessaire mutation : la fiscalité (très ciblée sur les déchets), la réglementation, les incitations (pour encourager les nouveaux modèles basés sur l’économie circulaire) et le volet formation/information, pour accompagner les citoyens, les entreprises et les collectivités. Le président de l’Institut national de l’économie circulaire croit aussi dur comme fer (recyclé) que dans un futur qu’il espère proche, il ne sera pas rare de voir des entreprises proposer des offres de location de matières premières qui reviendront à leur propriétaire une fois le produit en fin de vie (un avion par exemple) et seront utilisées pour d’autres réalisations.
Bon courage à vous autres, les spécialistes des flux, car tout est à réinventer, à réorganiser : l’écoconception, l’organisation des approvisionnements – en réintroduisant les produits, les composants ou les matières dans les cycles de production –, le remanufacturing, le reconditionnement, la réparation, la maintenance, le recyclage selon des boucles longues, courtes, ou en symbiose avec d’autres industriels. Parmi tous les scénarios possibles, qui diffèrent selon les types d’entreprise, il existe une possibilité ayant sans aucun doute un grand avenir : la vente à l’usage, qui incite économiquement l’industriel à augmenter la durée de vie de ses produits, à les réparer ou à les reconditionner au maximum avant de les recycler. Un exemple célèbre de ce modèle est Michelin, qui a été le premier fabricant à vendre l’usage de ses pneus, dont il reste propriétaire, à des transporteurs ou des compagnies aériennes en les facturant au kilomètre. Ça tombe bien, cette « servicisation » permet non seulement d’économiser des ressources, mais aussi de se démarquer de la concurrence !