Et puis c'est au tour de Fabien Bardinet de prendre la parole. Le DG de Balyo est un spécialiste des chariots robotisés en entrepôt (AGV), mais il va prendre son auditoire à contre-pied. « La robotique, c'est plein d'IA mais les clients n'en ont pas grand-chose à faire. Le marché des AGV ne progresse pas beaucoup, autour de 1% du marché total, alors que le métier de manutentionnaire reste l'un des plus dangereux au monde, avec 22 morts par an en France ». Les systèmes sont fiables à 97%, mieux qu'un opérateur humain, et pourtant le marché ne décolle pas. Pourquoi ? Pour lui, l'explication est avant tout d'ordre psychologique : « on ne demande pas à une machine de faire mieux que l'humain mais de faire parfait, et c'est là tout le problème ». Or une fiabilité de 100% en environnement non prédictible est hors d'atteinte. Selon lui, pour gagner ces 3% supplémentaires, il faut avoir recours à une interaction avec un humain. Fabien Bardinet livre alors un scoop : Balyo (dont la technologie équipe 541 AGV dans le monde, dans 200 entreprises) va commercialiser en 2020 une offre dénommé Mowo sous la forme d'un service payable à l'usage, avec des robots en entrepôt et le contrôle à distance d'un humain capable de prendre la main en temps réel de manière fluide dans les 3% des cas où l'AGV se trouverait en difficulté. Le premier pilote devrait démarrer en novembre. La dernière partie de ce débat de ces rencontres Mews Partners sur l'IA et la SC s'est placé sur un plan plus philosophique, avec l'intervention d'Alexandre Lacroix sur le thème : « L'IA peut-elle nous aider à libérer l'intuition humaine ? ». Après nous avoir fait voyager des idées de Platon aux sociographes de la société Palantir Technologies en passant par Kant et Adam Smith, cet auteur et directeur de la rédaction de Philosophie Magazine conclut son brillant exposé sur la conviction qu'un bon SC manager doit savoir composer avec la complexité des dissonances dans sa chaîne logistique. A l'image d'un Glenn Gould lorsqu' il joue sur son piano les variations Goldberg que Bach avait écrites pour le double clavier du clavecin. Aura-t-il besoin d'aide quand son environnement excèdera ses capacités cognitives ? « L'IA pourra sans doute lui envoyer des alertes, mais sûrement pas le remplacer ! » JLR