Supply Chain Management de crise
Une enquête de la cellule investigation de Radio France révélait jeudi dernier que 8 500 des 10 000 respirateurs artificiels commandés par l’Etat et produits actuellement par un consortium autour d’Air Liquide (voir NL 3110) seraient inadaptés à un usage en réanimation à l’hôpital pour des malades atteints du Covid-19 en détresse respiratoire aiguë. On y apprend que le besoin initial était de 10 000 appareils, répartis à parts égales entre le modèle Monal T60 et un modèle plus basique, et plus simple à assembler, l’Osiris 3, d’habitude plutôt destiné aux ambulances. Et que pour tenir le délai record de 50 jours et compte tenu des difficultés logistiques d’approvisionnement des pièces disponibles, il a finalement été décidé de modifier cette répartition et de ne produire que 1500 T60 contre 8500 Osiris. Dans un communiqué publié lui aussi jeudi dernier, le gouvernement a tenu à éteindre toute polémique et à apporter quelques précisions. Il confirme que modèles Osiris sont effectivement des respirateurs d’urgence et de transport, mais que « leur usage en service de réanimation, en cas d’indisponibilité de respirateurs plus lourds et en dernier recours, avait été validé par les deux sociétés savantes françaises de réanimation ». Il affirme surtout que la commande passée à Air Liquide relève d’un « choix de prudence et de responsabilité », en rappelant que la décision a été prise « à un moment où le nombre de patients admis en réanimation continuait de croître très rapidement, et où il apparaissait absolument nécessaire de sécuriser la capacité à armer un nombre de lits de réanimation beaucoup plus important ». Loin de moi l’idée d’alimenter une vaine polémique sur ce sujet. Je trouve simplement qu’il illustre parfaitement la problématique du Supply Chain Management, qui est d’arriver à faire correspondre l’offre à la demande, dans les délais impartis et en tenant compte de toutes les contraintes logistiques. En temps normal, l’exercice s’avère déjà délicat, et il l’est d’autant plus dans l’urgence d’une crise sanitaire de cette ampleur.
Jean-Luc Rognon