L'entrepôt sommé de se justifier au tribunal
« Faut-il raser les entrepôts ? » : plutôt abrupte, la question a fait l’objet mercredi dernier d’un original procès monté à l’initiative de FM Logistic par le média Usbek&Rica, spécialiste des enjeux d’avenir. Baptisée Tribunal pour les générations futures, cette formule de conférence-spectacle prise les questionnements percutants, au vu des précédents « Faut-il encore faire des enfants ? » ou « Le journalisme est-il mort ? ». Accusé du jour, l’entrepôt a fait face à la présidente du tribunal par le truchement de trois témoins interrogés tout à tour par la procureure et l’avocat de la défense. C’est plutôt pour association de malfaiteurs que l’entrepôt s’est vu mettre en cause par Olivier Razemon, journaliste questionnant le monde péri-urbain dans ses livres ou les colonnes du Monde. En l’occurrence pour sa proximité géographique et esthétique avec les zones commerciales de la « France moche » mise à la Une de Télérama dès 2010, et son rôle dans l’artificialisation des sols à l’heure de la ZAN. Mais le regard sur les paysages évolue dans le temps, à l’image des sites industriels nordistes érigés en musée-témoin de l’histoire de leur territoire et de leurs habitants, a fait valoir Élodie Bitsindou, doctorante en histoire de l’architecture contemporaine. Et c’est moins sous l’angle de la France moche que sous celui d’une société de consommation dopée à la délocalisation que ce sont poursuivis les échanges, en soulignant le rôle de commanditaire du e-commerce, coupable de la multiplication des entrepôts dans le paysage et de celle des livreurs dans les cœurs de ville. Dernier témoin appelé à la barre, le président de FM Logistic Jean-Christophe Machet était le mieux placé pour prendre la défense de l’entrepôt sous l’angle de son rôle-clé au sein de l’économie, et pas du seul e-commerce. Sans éluder la nécessité de pratiques plus responsable sur le plan environnemental comme social, par exemple en produisant une énergie renouvelable bénéficiant à la collectivité, il a notamment évoqué la piste du ralentissement des flux, surtout pour le e-commerce et ses délais de livraison sans commune mesure avec les besoins des clients, qui ouvrirait la possibilité de nouveaux axes de mutualisation du stockage ou du transport. Par exemple demain au sein d’espaces urbains faisant cohabiter plusieurs opérateurs, à l’image du traditionnel marché et ses multiples étals ? Sans surprise, l’entrepôt s’est finalement vu acquitter, par les 4 jurés tirés au sort comme par 78% des 120 votants du public. Mais non sans avoir été tancé de se réformer ! Maxime Rabiller