Cette année, lors de son sixième évènement annuel « Les enjeux e-commerce », organisé hier à Paris, la Fevad (Fédération du e-commerce et de la vente à distance) avait invité Michel-Edouard Leclerc en tant que grand témoin pour conclure la journée. Interviewé par le journaliste d'Europe 1 David Abiker, le Pdg des enseignes E.Leclerc a d'abord insisté sur le fait que la coopérative a été pionnière il y a six ans dans le drive. Cette activité « digitale » représente aujourd'hui 6% du CA (avec un objectif de 10% en 2020), avec une part de marché de 50% en France. Avant de se lancer dans une opération de démystification d'Amazon : « Après le hard discount, où tous les journaux prédisaient la fin des hypermarchés et la fusion Carrefour Promodès où ils ont dit c'est la fin des indépendants, voilà maintenant que c'est Amazon que l'on surjoue ». Pour lui, le rachat par le géant de l'e-commerce de Whole Foods Market pour 13,7 Mds US $ (voir NL n°2517) n'a pas été correctement analysé par les observateurs. « Tous les chroniqueurs ont rapporté cet évènement sous l'angle de la surpuissance, la fin de l'hypermarché, etc. Sauf que c'est contradictoire : Amazon lui-même avait décrié ce genre de modèle, c'est la preuve qu'il n'a pas trouvé le sien s'agissant de l'alimentaire. Et s'il s'agissait de s'acheter un réseau pour stocker et livrer, ce serait bien trop cher payé. Par contre il s'achète du sens. Amazon se rend compte que dans l'alimentaire, il faut être dans l'empathie, dans l'affectif » analyse-t-il. Et de poursuivre : « le rapport des Français à la nourriture ne passe pas simplement par la logistique, la disponibilité en 24 h ou la livraison par drone ». Pour lui, le rachat de l'enseigne premium Whole Foods Market signifie aussi qu'Amazon n'ira pas chercher les enseignes comme Carrefour, Intermarché, « et encore moins Leclerc » sur les prix, ce qui lui donne « 5 ou 6 ans de délai d'adaptation ». « On ne va pas attendre Amazon, on va le tacler avant qu'il arrive » a-t-il lancé. « La bataille de demain ne va pas se faire entre les pure players et les magasins physiques, sauf sur quelques marchés de niche, mais entre marques omnicanales. C'est plus clair : Carrefour ou Leclerc apprennent le métier d'Amazon et Amazon apprend à devenir marchand et fondamentalement, ce qu'il me plaît à dire, c'est que s'il suffisait d'accéder au Big Data et à la logistique pour devenir un bon commerçant, il y a beaucoup d'enseignes dans le secteurs de la distribution qui ressusciteraient, les Euromarché, les Continent qui avaient à l'époque des systèmes logistiques bien plus pointus que Leclerc. La prime, c'est quand même la promesse commerciale plus qu'à la capacité de gérer les tuyaux ». Ce qui ne l'empêche pas de rappeler que les 16 entrepôts qui desservent au niveau national les coopératives de commerçants indépendants et d'enseignes Leclerc sont tous sur la voie de la robotisation complète. Avant de conclure par cette phrase : « Celui qui va gagner, celui qui va rester, c'est celui qui aura la marque, le réseau, l'expertise, que les consommateurs jugeront utiles. Dès que vous n'aurez plus l'allégation de cette utilité, vous rejoindrez très vite la page 1600 de Google parce qu'il y en aura d'autres qui arriveront derrière ». JLR
Photo : Michel-Edouard Leclerc ©E.Leclerc
Photo : Michel-Edouard Leclerc ©E.Leclerc