Deux évènements de la fin de semaine dernière méritent selon moi l’appellation britannique de « crunch ». Je pense en effet que la concrétisation politique et juridique du Brexit, vendredi à 23 h GMT, est l’un de ces moments critiques où la prise de décision peut être lourde de conséquences, au même titre que le traditionnel « crunch » de l’Ovalie qui a opposé dimanche les équipes de France et d’Angleterre. La grande différence avec la brillante et inattendue victoire du XV tricolore, c’est que le crunch du Brexit va s’étaler sur une échelle de temps beaucoup plus longue qu’un match de rugby et que personne ne peut encore en déterminer l’issue, après la période de transition de 11 mois (jusqu’au 31 décembre 2020) pendant laquelle les règles du marché unique et de l’union douanière continueront à s’appliquer. Tout reste à négocier en matière d’accord économique de libre-échange avec l’UE, et la France devra être particulièrement attentive aux évolutions des règles commerciales avec son voisin d’outre-Manche, dans l’automobile, la pharma, l’agriculture, l’agroalimentaire, les alcools, la chimie, etc, si elle veut tenir son rang de septième fournisseur du Royaume-Uni (avec qui elle a un excédent commercial de 12 Mds €). Parallèlement, le Royaume-Uni aura la capacité d’assouplir certaines règles commerciales avec d’autres partenaires que l’UE, avec en tête de liste les Etats-Unis, la Chine, l’Inde ou les pays d’Afrique. Certains experts brandissent déjà le risque d’un « Singapour-sur-Tamise », d’autres n’y croient guère compte tenu du poids de l’UE dans les exportations britanniques (47%). Bref, on reste encore dans l’expectative. Une chose est sûre : en ces temps incertains, l’amélioration de la compétitivité logistique de la France doit être plus que jamais d’actualité pour avoir une chance d’attirer sur le continent certains centres de distribution à vocation européenne encore basés outre-Manche.
Jean-Luc Rognon