Voilà près de 15 ans que cette newsletter quotidienne vous informe sur les projets, les innovations, les nominations qui concernent la communauté de la supply chain au sens large. Aujourd’hui, cette communauté se retrouve au cœur de la bataille pour que les fonctions vitales et économiques du pays continuent à fonctionner, dans la situation sans précédent dans laquelle nous sommes tous plongés. La très grande majorité des membres de cette grande famille de la Supply Chain, qui ont pour habitude d’affronter les aléas avec sang-froid (même si celui d’aujourd’hui est d’une ampleur inédite et planétaire), savent qu’il ne faut rien lâcher et se montrer solidaires, s’entraider, se soutenir mutuellement, car c’est la seule solution véritablement « résiliente » pour limiter les dégâts lorsqu’arrivera la phase de déconfinement et la reprise de toutes les activités actuellement à l’arrêt ou au ralenti. Dans ce contexte, toutes les initiatives, bonnes pratiques, innovations, réflexions, propositions, sont bonnes à prendre. Plus que jamais, la vocation de votre newsletter reste de vous tenir informés, mais aussi de relayer toutes les initiatives solidaires ou innovantes. N’hésitez pas à contacter la rédaction pour partager vos expériences et vos espoirs. Jean-Luc Rognon
Les syndicats FO, CFDT, et CFTC du transport routier appellent les chauffeurs à exercer individuellement leur droit de retrait à partir d’aujourd’hui en cas de manquements aux mesures de protection sanitaire. Nous avons interrogé à ce sujet Patrice Clos, secrétaire général de FO Transport et Logistique.
Supply Chain Magazine : Votre syndicat avait lancé cet appel la semaine dernière, puis l’avait retiré après les annonces d’une série d'engagements de la part du gouvernement. Que s’est-il passé depuis ?
Patrice Clos : Nous nous apercevons aujourd’hui que ce que nous avions demandé, que ce soit pour les routiers ou sur les sites logistiques, n’a pas été mis en application. C’est ce qui nous conduit, avec d’autres syndicats, à appeler à un droit de retrait des salariés du transport et de la logistique. (voir l’intégralité de l’interview en fin de cette newsletter)
Depuis la semaine dernière, l’Aslog (Association française de la Supply Chain et de la Logistique) et Movin’On, une communauté mondiale initiée à l’origine par le groupe Michelin autour des solutions concrètes de mobilité durable, travaillent de concert pour tenter d’organiser en France la mise en relation entre les capacités logistiques disponibles et mobilisables et les besoins urgents des acteurs en première ligne (hôpitaux, distribution alimentaire et produits de première nécessité…). Les demandes et les offres peuvent être envoyées à l’adresse urgences@aslog.fr, une équipe se chargeant de consolider les éléments et de les communiquer aux acteurs concernés. Sous la bannière de la communauté #SupplyChain4Good, créée dans le cadre de l’écosystème de Movin’On, une plate-forme digitale dédiée est en cours de création. L’initiative a notamment déjà permis de faire converger un certain nombre de partenaires autour de l’idée proposée par l’éditeur Lokad de mettre en place un process de stérilisation des masques usagés pour réutilisation. JLR
Dans un courrier adressé en fin de semaine dernière à la Ministre de la transition écologique et solidaire, Élisabeth Borne, la Fédération des entreprises et entrepreneurs de France (Feef) demande l’intervention du gouvernement pour appeler les entreprises du transport et de la logistique à un moratoire sur les demandes de hausse conjoncturelle de tarifs liée à la crise du Covid-19. L’organisation représentant les PME au service de la distribution souhaite que transporteurs et logisticiens fassent preuve « de responsabilité et de solidarité dans cette crise difficile pour tous les acteurs économiques », dénonçant les augmentations de tarifs imposées et rétroactives (dont certaines peuvent approcher les 25%). Bien que plus mesurées, certaines de ces hausses ont déjà donné lieu à des levées de boucliers (voir NL 3107). « Tous les acteurs de la filière alimentaire sont impactés par la crise sanitaire dans leur fonctionnement, leur organisation et leurs charges, explique la Feef. Les PME en particulier doivent faire face à des difficultés de trésorerie et au rallongement des délais de paiement pouvant mettre en péril leur activité. Il n’est pas admissible que les transporteurs, souvent en situation de quasi-monopole sur leur marché, prennent ce type de décision unilatérale et non contractuelle ».AD
Créé il y a bientôt 5 ans, Logistics Capital Partners déploie sur l’ouest-européen, et désormais en France, son savoir-faire de développeur-gestionnaire d’actifs en immobilier logistique. À sa création, LCP avait un pied à Londres l’autre à Anvers, à travers ses deux fondateurs James Markby et Kristof Verstraeten, bientôt rejoints par Andrea Benvenuti, basé à Milan. Si c’est aux Pays-Bas qu’ont été lancés les premiers projets de développement, l’Italie a été un relais significatif, avec la mise en route de plusieurs projets d’envergure pour Amazon, à commercer par la réalisation de son entrepôt de fulfilment de Vercelli (associé à AEW côté investisseur). L’équipe pan-européenne de LCP compte d’ailleurs plusieurs anciens d’Amazon Real Estate, et plus largement des profils expérimentés issus des acteurs de l’immobilier logistique et/ou des grands chargeurs et clients. C’est par exemple le cas d’Estelle Vargas, récemment recrutée en tant que directrice du développement France : depuis 5 ans, elle exerçait au sein du groupe Carrefour, comme directrice de projet d’immobilier logistique en France puis à l’international, après une douzaine d’années au sein de Gazeley dans l’Hexagone (dont plus de la moitié comme directrice du développement). Elle rejoint le bureau ouvert par LCP à Paris à l’automne 2019, que co-dirigent Mathieu Olive et Emmanuel Mercier. Le premier avait rejoint l’entreprise dans la foulée de sa création, à Londres, avant de regagner Paris début 2019 pour jeter les bases du développement dans l’Hexagone, tandis que le second a rejoint LCP il y a un an (lui aussi est passé par la branche immobilière d’Amazon). En pratique sur le marché français, LCP a commencé par mener l’acquisition d’un foncier de 14 hectares à Corbeil-Essonnes, courant 2019, pour développer un premier projet qui devrait se préciser vu que le site fait actuellement l’objet d’une démolition / dépollution. LCP renforce ainsi sa couverture géographique, sachant que la société était déjà présente dans 6 pays (Royaume-Uni, Pays-Bas, Belgique, Italie, Luxembourg et Espagne), avec plus de 500 000 m2 d’entrepôts déjà développés en 5 ans pour de grands noms comme Amazon, certes, mais aussi XPO ou Primark. LCP assure par ailleurs la gestion d’actifs existants pour le compte de différents investisseurs (soit un portefeuille de 800 M€), et a mobilisé plus d’1,5 Md€ pour assurer ses développements futurs (principalement auprès d’Invesco). MR
Estelle Vargas, désormais directrice du développement France de Logistics Capital Partners, entourée des deux managers du bureau parisien, Mathieu Olive (G) et Emmanuel Mercier (D)
Crédit photo Logistics Capital Partners
TRM Patrice Clos, secrétaire général de FO Transport et Logistique
Supply Chain Magazine : Les syndicats FO, CFDT, et CFTC du transport routier appellent les chauffeurs à exercer individuellement leur droit de retrait à partir d’aujourd’hui en cas de manquements aux mesures de protection sanitaire. Votre syndicat avait lancé cet appel la semaine dernière, puis l’avait retiré après les annonces d’une série d'engagements de la part du gouvernement. Que s’est-il passé depuis ?
Patrice Clos : Nous nous apercevons aujourd’hui que ce que nous avions demandé, que ce soit pour les routiers ou sur les sites logistiques, n’a pas été mis en application. C’est ce qui nous conduit, avec d’autres syndicats, à appeler à un droit de retrait des salariés du transport et de la logistique.
SCM : Quelles ont été les avancées en la matière depuis le début de la semaine dernière ?
P. C. : Il y a eu des ouvertures de parkings sur les autoroutes, ça oui. C’est la seule chose positive. Pour le reste dans les stations, les sanitaires ou les douches sont certes ouverts mais ne sont pas nettoyés, donc vous imaginez un peu… Et au niveau de la restauration, il y a beau avoir plein de points bleus sur la carte de Bison Futé, dans les faits quand les routiers s’y rendent ils constatent que le restaurant ou le centre sont restés fermés. Voilà la réalité. Vous savez, nous avons beaucoup de témoignages d’épouses de routier qui pleurent au téléphone, qui craignent de savoir leurs maris sur la route dans des conditions lamentables, ou ne savent pas si elles doivent les laisser embrasser leurs enfants de retour à la maison. Il y a tout cela derrière.
SCM : Dans votre communiqué commun, vous mentionnez le fait que « les clients ne respectent pas les conducteurs à la juste mesure ». Pouvez-vous nous éclairer sur cette phrase ?
P. C. : Je vous donne juste un exemple qui date de ce matin, sur un site logistique Danone. À l’entrée du local d’accueil des chauffeurs, un panneau en grosses lettres indique qu’il est interdit à tout conducteur d’utiliser les wc, lavabos et douches, et même la machine à café. On retrouve cela partout, chez tous les clients. Les salariés du transport ne sont pas des pestiférés. En matière de logistique, la problématique c’est qu’il y a beaucoup de cadres en télétravail ou confinés dans leurs bureaux. Or ce sont eux qui devraient faire respecter les gestes barrières sur les sites, ce qui fait que les salariés se retrouvent livrés à eux-mêmes.
SCM : Où en est le guide des bonnes pratiques en transport et logistique ?
P. C. : Nous travaillons encore dessus, il y a une réunion prévue ce soir en conf-call à 18 h.
SCM : Vous précisez dans le communiqué que cet appel au droit de retrait individuel concerne les transports « non essentiels ». Mais comment définissez-vous ce qui est essentiel ? La filière agroalimentaire et l’emballage font-ils partie de cette catégorie, par exemple ?
P. C. : Bien sûr, nous savons que le carton d’emballage pour l’agroalimentaire fait partie de ce qui est essentiel, de même que les élastiques pour fabriquer les masques, pas de soucis là-dessus. Mais transporter des brouettes, des vélos, des scooters ou des canapés, en cette période, ce n’est pas essentiel. Nous étions déjà en pénurie de main d’œuvre avant la crise, que ce soit en transport ou en logistique. Aujourd’hui, si je prends juste la logistique, nous en sommes à 30% d’absentéisme, tout compris (maladie, droit de retrait ou garde d’enfants). Si demain nous utilisons toute nous ressources humaines pour faire tout et n’importe quoi, à un moment donné on va se retrouver dans une situation où même pour l’essentiel on y arrivera plus !
SCM : Qu’attendez-vous de la part de l’État ?
P. C. : Nous demandons les mêmes protections que les urgentistes, et que l’État prenne ses responsabilités en réquisitionnant ce qu’il y a à réquisitionner (aires de repos, stations-service, restaurants routiers). Sur les stations d’autoroutes, ce sont à 90% des indépendants qui opèrent, même s’ils travaillent pour de grandes enseignes. Ils nous disent qu’ils ont perdu 90% de leur CA et que rester ouverts leur fait perdre de l’argent, ce que je conçois, mais on ne peut pas faire tourner le transport sans les structures adéquates qui vont avec. Nous demandons la réquisition, comme cela a été fait en Espagne, et où cela fonctionne bien. Ils ont réquisitionné les autoroutes et les structures, et ont mis en place 600 points de distribution destinés aux routiers pour les équiper en masques, gants ou gel désinfectant.
L’Inde n’est pas épargnée par la crise du Covid-19, et le Premier Ministre a annoncé la semaine dernière une décision sanitaire sans précédent : 1,3 Md de personnes, soit la deuxième population mondiale, sont désormais confinées pour trois semaines. Les e-commerçants anticipent d’ores et déjà une baisse sensible de leur activité en raison de l’arrêt des ventes de produits « non essentiels » (téléphones portables par exemple), les analystes tablant sur une baisse de 60 à 70% des ventes durant la période de confinement. Comme aux États-Unis ou en Europe, Amazon a ainsi annoncé que ses moyens logistiques seraient temporairement consacrés aux produits prioritaires tels que les aliments de base, les produits de santé ou d’hygiène. Son concurrent Flipkart (qui appartient majoritairement à Walmart) a de son côté indiqué avoir suspendu ses commandes, et être en cours de réflexion sur la meilleure façon d’assurer ses opérations supply chain, en concertation avec le gouvernement indien. Alors que tout déplacement est interdit, les autorités entendent néanmoins maintenir l’autorisation pour les livraisons des acteurs du e-commerce de bien jugés essentiels. Les opérations de nombre d’acteurs du e-commerce sont impactées, y compris celles de spécialistes de l’épicerie comme Bigbasket (dont Alibaba est l’actionnaire majoritaire) ou Grofers. JF
Aux États-Unis, le transport de marchandises vers les supermarchés et les magasins discount a cru de 50% d'une semaine sur l'autre, selon la société Project44, qui opère une plate-forme de visibilité supply chain destinée aux chargeurs. Si la demande a explosé en produits frais, papier toilette et autre gel hydro-alcoolique, les poids lourds peinent à trouver de nouveaux chargements pour leurs trajets retour. De nombreux magasins ayant fermé, il n'y a plus de flux de vêtements, chaussures et autres biens de consommations pour optimiser le taux de remplissage des camions, même si les professionnels s’efforcent de reconfigurer leur réseau en temps réel. Dans ce contexte, les intermédiaires mettant en contact transporteurs et chargeurs ont élargi leur horizon. Quand il suffisait avant de trouver un nouveau client dans un rayon de 5-10 km, on est passé à 80 km. Le prix du marché spot s’en ressent : selon DAT Solutions, il a augmenté de 7,5% au mois de mars. Pour les routiers américains comme pour leurs homologues français, la tâche se complique et les conditions de travail se dégradent, vu la difficulté pour se procurer masques, gants ou gel désinfectant... CCT