Voici quelques semaines, alors qu'aux abords de la tour Montparnasse mes pensées oscillaient entre le traitement d'une actualité maussade et l'imminence d'un break estival très éloigné du tumulte parisien, j'aperçus un ami journaliste qui avançait péniblement, les épaules basses et le dos vouté comme écrasé sous le poids d'une charge invisible. Comme il était pâle, je m'empressai de lui demander si tout allait bien, si sa santé était bonne, s'il n'avait pas de souci dans son travail, puis lui proposai de prendre place à la terrasse d'un des cafés qui bordent l'esplanade face à la gare. Après un long moment de silence, je le vis progressivement recouvrer ses esprits. Il prit une profonde inspiration et m'expliqua qu'il venait de visiter une usine géante, entièrement automatisée, dans laquelle des robots fabriquaient… d'autres robots. Je ne pus réprimer un sourire, soulagé que son malaise ne fût pas lié à une cause plus grave. « Ce ne sont que des machines qui fabriquent d'autres machines ! » Dis-je sur un ton badin. Mais plutôt que de l'apaiser, je vis son visage s'obscurcir : « Mais tu ne comprends pas ! lança-t-il. Ces machines sont dotées de capteurs plus performants que nos 5 sens. Ils autoalimentent les connaissances d'une intelligence artificielle qui, contrairement au cerveau humain, ne connait structurellement aucune limite. Dans quelques années ils auront dépassé très largement notre capacité à analyser et à comprendre. Ils sauront se programmer eux-mêmes, s'organiser en réseaux, décider à notre place... ». Je pris alors conscience que mon ami était au bord de l'épuisement et qu'il n'avait plus aucune force pour prendre du recul et relativiser les faits. J'essayai dans un premier temps de dédramatiser en lui expliquant que l'Homme ne se laisserait jamais dépasser par la machine et que les ordinateurs, aussi puissants qu'ils soient, seront toujours contrôlés par ceux qui les ont fabriqués. Puis, voyant que mes arguments n'avaient aucune prise, je lui recommandai de prendre de longues vacances et d'éviter les livres de science-fiction. Quelques jours plus tard, de retour à mon bureau je commençai à rassembler les infos de l'été : DHL adopte la réalité augmentée, Vekia reçoit le prix de la meilleure start-up dans le domaine la Supply Chain pilotée par des algorithmes d'intelligence artificielle, Walmart prend très au sérieux la livraison par drones, Telsa se lance dans les camions autonomes... la routine, quoi. Bonne rentrée à tous ! JPG