L’envolée des taux de fret maritime de ces derniers mois pourrait ne pas uniquement s’expliquer par la loi de l’offre et de la demande. En tout cas, c’est la conviction de l’association européenne des freight forwarders Clecat (Comité de liaison européen des commissionnaires et auxiliaires de transport). Celle-ci a adressé récemment un courrier à la Commission européenne lui demandant d’enquêter sur les pratiques des armateurs, les considérant comme injustes et discriminatoires. « Elle doit enquêter de toute urgence pour établir en amont le degré de concentration, de consolidation, de coordination et de cartellisation du marché des conteneurs desservant le continent, et en aval, celui des services de transit », écrit le Clecat. Pour l’association, ce niveau de rapprochement, combiné à la stratégie d’intégration verticale des armateurs ainsi qu’à leur contrôle exclusif des données de la supply chain, expliquerait les 200 Md$ de gains ‘empochés’ par les alliances maritimes pendant la crise du Covid. En étant maîtres du jeu, ces alliances organiseraient aujourd’hui le marché en privilégiant les chargeurs à gros volumes avec des contrats longs termes. Les autres seraient relégués sur le marché spot, aux tarifs plus élevés. « La consolidation dans le secteur du transport maritime entraîne à la fois une baisse du nombre des opérateurs et des services, des contraintes sur l’offre disponible et des positions dominantes qui permettent aux armateurs de favoriser les grands chargeurs au détriment des chargeurs de moindre importance et des commissionnaires, souligne Nicolette van deer Jagt, directrice générale du Clecat. Nous sommes dans une véritable situation d’oligopole, avec 80 % du transport maritime réalisé par huit armements réunis au sein de trois alliances. » Dans ce contexte, le Clecat appelle à de nouvelles règles du jeu, avec davantage de gouvernance et de contrôle des armateurs conformément aux règles normales de concurrence afin que transporteurs et transitaires puissent travailler ensemble pour fournir le meilleur service possible aux chargeurs, « sans qu’aucune des parties ne bénéficie d’un avantage indu ou tente d’utiliser un avantage pour conduire l’autre à la faillite ». AD